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Hold Up : pour ou contre l'émancipation des masses

Je n'ai pas vu le film Hold-Up. Je n'ai pas envie de le voir. C'est une perte de temps, je crois. Je n'ai donc pas d'avis sur le film. En revanche, j'ai un avis sur les gens qui y adhèrent, et il dénote de ce qu'on peut lire sur les réseaux.

Pourquoi ce film marche-t-il aussi bien ? Pourquoi les gens sont-ils plus enclins à croire en l'existence d'un complot mondial pour éradiquer une partie de l'humanité que la réalité telle que nous la concevons ? Quelle est cette réalité si difficile à admettre ?

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Nous sommes au bord d'un effondrement globale dont la chute semble amorcée et c'est notre système d'organisation social mondialisé qui est responsable de ce drame. C'est à la fois tout le monde et presque personne. Certains bien plus que d'autres, parmi lesquels des gens qui se rendent coupables d'agir en toute connaissance de cause. Mais pas dans un grand dessein maléfique. Non. Pourquoi alors ? L'appât du gain, la reconnaissance, le confort, l'orgueil... Tout sauf la remise en question pourtant si nécessaire à la mise en place du moindre changement notable. Quelque part, nous portons tous en nous cette culpabilité. Certains, beaucoup plus que d'autres. Mais à qui d'en juger ?

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Les causes de la propagation d'une épidémie globale sont complexes. La possibilité d'un effondrement global de notre civilisation résulte elle aussi de la mise en relation complexe de causes potentielles diverses. Or, cette connaissance de l'état du monde et de ses dynamiques sur le moyen et long termes n'est pas accessible à tout un chacun. Nous n'avons tout simplement pas la même capacité dans notre vie à accorder du temps mental à ces préoccupations, ni même, par ailleurs, la capacité cognitive de le faire.

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Et là, arrive Hold-Up.

Hold up: À propos
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Hold up: Image

Le documentaire Hold Up a cela d'efficace qu'il fait prendre conscience aux gens de l'imminence probable d'un effondrement. Quelque chose de potentiellement bénéfique en découle. Les gens comprennent que si on ne s'unit pas très vite pour rompre la roue du pouvoir, nous sommes perdus. Et face à ce constat acerbe, plusieurs réactions au potentiel insoupçonné se mettent à germer chez les spectateurs courtisés. En s'ouvrant à ce constat, ils sont enclins à devenir acteurs de leur vie politique, et ici réside pour eux une forme d'émancipation.

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Je vous vois monter sur vos grands chevaux ! Oui, j'ai dit que Hold-Up pouvait jouer un rôle dans l'émancipation des masses en les amenant à devenir des acteurs de leur vie politique. Quelle est cette crainte qui nous anime ?

Que ces nouveaux arrivants sur la scène politique pointent du doigt des bouc-émissaires et non les véritables responsables de ce désastre.

Entre nous, je m'en fiche que Bill Gates soit pointé de doigt. En ce qui me concerne, ce monsieur est un grand méchant capitaliste et il mérite la haine populaire. Par contre, j'ai ouï dire que cela alimentait l'idée d'un complot des juifs (Bill Gates est juif ?) contre l'humanité, et là par contre je dis stop. Alors, qu'on prétende que Big Pharma est responsable du scandale sanitaire parce que le covid-19 aurait été créé en laboratoire, ça m'emmerde. Ça fait mal à ma science. Ça me fait m'arracher les cheveux sur la tête, mais dans l'absolu, ce n'est pas si grave comme croyance. Enfin, c'est à relativiser au regard de la croyance selon laquelle la cause de notre malheur repose sur les complots machiavéliques d'un groupe ethnique ou religieux en particulier. Et c'est bien là que nous avons un rôle à jouer.


Qui nous ? Nous, les gens de la gauche à l'extrême gauche qui avons une culture politique dite "traditionnelle" parce qu'en relation avec des syndicats ou des partis politiques.

Comment nous adressons-nous à ces complotistes ? Quelle image de notre camp politique renvoyons-nous dans cet échange ?

Il faut cesser de les prendre pour des débiles qui ne connaissent rien à rien. Il faut écouter ce qu'ils nous disent. Il faut écouter leurs craintes, leurs prises de conscience récentes, il faut les accompagner dans les nouvelles visions du monde auxquelles ils arrivent enfin à s'ouvrir. Il faut qu'on arrive à trouver un terrain d'entente. Et on peut y parvenir puisqu'il existe. Je me répète, nous sommes d'accord que le monde va très mal et nous risquons à tout moment un effondrement global. Donc entendons-nous, écoutons-nous, cessons d'être dans la condescendance de la pensée de l'autre parce qu'on s'arrête à la simple considération, "j'ai raison, il a tord, je dois lui prouver".

Sinon, sur la tombe de la Gauche française, on pourra graver l'épitaphe "Ils avaient raison".

Super. On avait pointé les bonnes causes, on est trop fort. Mais on est mort et on n'a rien pu empêcher du tout.


La raison a cela de déroutant qu'elle grossit l'égo, l'orgueil est flatté. Mais on ne s'entend absolument jamais sur les moyens de remédier au chaos, déjà entre nous en tant que membres de la Gauche traditionnelle... Alors discuter avec les gens qui ne partagent pas notre opinion... On tombe dans la stigmatisation : mépris, classisme, validisme... et j'en passe !

La Gauche (j'y inclue aussi l'extrême gauche, désolée pour les fragiles que cela offense) n'arrive pas à faire son autocritique. On s'enferme à nous regarder le nombril. Le monde meurt autour de nous. Il est temps de relever la tête, de se remettre à faire vraiment de la politique dans le sens premier du terme. Il s'agit de faire société ensemble, dans l'intérêt général. Il est nécessaire de traiter son prochain avec empathie et bienveillance, surtout s'il est en train de s'éveiller à la perdition de ce monde et qu'il se laisse envouter par des causes faciles à pointer du doigt mais pourtant fallacieuses.


Entendons-nous sur le constat, balayons un instant les causes, et mettons nous d'accord sur les véritables problèmes que nous rencontrons actuellement. Il est nécessaire de recourir à l'écoute empathique avec son interlocuteur à fortiori celui qui vient de visionner Hold-Up et qui y adhère.

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Qu'est-ce alors que l'écoute empathique quand on a affaire à ce genre de personne ? C'est un exercice de communication non-violente assez basique en réalité. Je ne vais pas vous faire un cours, mais on peut résumer succinctement cela en quelques questions : Qu'est-ce que la personne a ressenti quand elle a vu le documentaire ? Qu'est-ce qui dans le documentaire lui a fait ressentir telle ou telle chose ? Pourquoi ?

S'en tenir aux ressentis, aux émotions des gens et aux faits qui les ont suscités. En réponse, parler de son propre ressenti, il s'agit également de parler de son propre ressenti rapporté à des faits précis.


Je vous invite à prendre le temps qu'il faut pour vous former à cet outil particulièrement utile en ces temps de conflits sociaux. Pour cela, il est pertinent de commencer par visionner les conférences de Marschall Rosemberg(1), le créateur de cet outil de communication.

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Ceux qui ont lu et été séduit par les écrits de Servigne et consort (j'en fais partie, pas des consorts, mais des lecteurs) vous le diront : notre seule chance collective de survie réside dans l'entraide. Et la communication non-violente est l'un des moyens d'y parvenir.


Ne participons plus à l’escalade sans fin de la violence. Le risque d'une guerre civile ne doit pas être une option.

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Merci à ceux qui ont pris le temps de me lire.


Quelques références bibliographiques :

- Comment tout peut s'effondre ? Pablo Servigne et Raphaël Stevens (2015)
- L'entraide : l'autre loi de la jungle (2017)
- "Le documentaire Hold-Up, une parodie d'investigation" Lucie Delaporte, Médiapart (17 novembre 2020)
- (1) Communication non-violente avec Marschall Rosemberg (conférence de 3h en français ou en anglais)

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